Ils sont partis gagner leur vie dans les « provinces étrangères »

On a souvent l'impression que nos ancêtres étaient sédentaires, restaient toute leur vie dans leur village, mais, en réalité, beaucoup d'entre eux se déplaçaient et partaient vivre et travailler loin de leur lieu d'origine : c'est le cas de nombreux ussonnais, comme le montrent les archives des notaires d'Usson. Dans cet article, nous exploiterons essentiellement des documents du XVIIIe siècle : actes concernant des règlements de successions, testaments, cessions de droits, contrats de mariages, procurations, actes de notoriété. C'est grâce à eux qu'il est possible d'avoir quelques renseignements sur leur identité et sur leur vie dans les « provinces étrangères ».

Qui étaient-ils ?

Ils étaient souvent scieurs de long, charpentiers de marine, marchands, militaires, mais on trouve aussi des menuisiers, des boulangers, un marinier, un maréchal-ferrant et aussi des bourgeois.

Tous sont originaires d'Usson, certains sont partis temporairement, d'autres pour toujours, dans ces « provinces étrangères » du Perche, de Normandie, de Bretagne, de Bourgogne, de Provence ou de Lorraine. On les trouve aussi bien dans de petits villages que dans de grandes villes, et leurs destins vont du domestique de scieur de long au bourgeois de Versailles ou de Paris.

Préparatifs de départ

La procuration

Lorsqu'ils partaient en laissant, pour quelques mois ou quelques années, femme et enfants, certains de ces scieurs de long, marchands ou militaires prenaient la précaution de donner, soit à leur épouse, soit à un proche, une procuration pour gérer les affaires de la famille. En voici deux exemples (ADL : 5 E 31-262 Me Daurelle notaire à Usson) :

24 août 1790
Antoine Fourcheygut, scieur de long, habitant au bourg d'Usson, lequel étant sur le point de partir pour aller travailler dans la province où il trouvera à s'occuper, …. a fait et constitué pour son procureur général …. Marianne Giry, sa femme ….. pour le représenter dans toutes les affaires.....
Passé à Usson côté de Forest, en présence de Joseph Chappuis, maréchal taillandier et Simon Verdier, Me boulanger, d'Usson.

6 octobre 1790
Jean Martial, marchand, demeurant au village de Lissac, paroisse d'Usson, lequel, étant au moment de partir pour aller dans les provinces étrangères à la sienne, ..... a constitué pour son procureur .... Marie Gonnet, sa femme.

Le passeport

Ces voyageurs devaient se munir d'un passeport qu'ils faisaient viser à certains passages. Voici ceux de Jean-Pierre Trescartes, scieur de long, né le 28 octobre 1782, fils d'Antoine Trescartes et Jeanne-Marie Chevojon, de l'Hermet : le premier, établi le 18 fructidor an 11, pour aller en Gironde , le second du 8 vendémiaire an 12, pour se rendre dans le Var. Malheureusement, le verso ne comporte aucun visa : les a-t-il utilisés ? ou n'a-t-il pas été contrôlé ? ...


Comptes d'un maréchal d'Usson

Les pages suivantes sont extraites d'un livre de compte d'un maréchal- ferrant d' Usson de l'année 1936. Elles donnent une bonne idée de l'activité quotidienne de cet artisan, ferrage des chevaux et des vaches, entretien des outils, fourniture et réparation de matériel ...

Compte de M. Barjon de Grange Neuve 1936

24 Fait deux sabots 15,00
7 mars Une pointe marre 0,75
17 avril Fait deux gonds de porte 1,50
21 Pointer deux haches et souder la bride d'un sabot 1,25
Fait les ferrures d'une mécanique 11,00
15 février Une pointe marre 0,75
23 Cinq fers de vache 10,00
24 Miser une marre d'un côté 8,00
29 Une pointe marre 0,75
30 Une pointe marre 0,75
14 mai Une pointe marre 0,75
20 Une pointe marre 0,75
29 Une pointe marre 0,75
10 juin Une pointe marre 0,75
13 Une pointe marre 0,75
14 sept. Un relevé vache 1,00
18 Deux pointes de marre 1,50
26 Miser une marre d'un côté 8,00
30 Pointer un couteau, une marre 1,75
8 oct. Une pointe marre, une maille 1,25
20 Pointer deux socs brabant 3,00
16 déc. Une pointe marre 0,75

Compte de M. Picard de Boulaine 1936

20 février Réparer un brancard de voiture 3,00
3 mars Réparation écrémeuse avec gobelet caoutchouc 15,00
7 Huit fers de vache 16,00
2 avril Changer un mousqueton 1,50
7 Un fer de vache 2,00
14 avril Deux fers cheval 11,00
9 mai Placer deux talons brabant 16,00
Placer deux socs 60,00
13 Pointer deux socs brabant 3,00
10 juin Deux fers cheval 11,00
15 Réparer une entrave 1,00
22 Fait pièce pour brabant 15,00
27 Cinq fers vache, un relevé 11,00
15 juillet Un litre d'huile 4,00
29 Deux fers de cheval 11,00
31 Monter une lame 32,00
21 août Pointer deux socs brabant 3,00
31 Fourni un litre d'huile 4,00
10 sept. Deux fers cheval 11,00
Fait deux gonds de porte 1,50
16 Huit fers de vache 16,00
26 Pointer deux socs brabant 3,00
28 Quatre fers vache, quatre relevés 12,00
5 oct. Réparer un rond de fourneau 1,00
14 Miser une pioche 12,00
16 Pointer deux socs brabant 3,00
17 nov. Deux fers de cheval 12,00
29 déc. Deux fers de cheval 12,00 ...


La deuxième borne Forez – Auvergne

Nous avons vu, dans le numéro 9 des Carnets d'Usson, que le pont de Boges était vraisemblablement situé à l'emplacement de l'actuel pont de Bourgeat ou tout près, sur la route Usson – Craponne. Le texte de notre deuxième borne y fait allusion. Traduisons le partie par partie.

Secunda meta posita est in via publica ne pose pas de problème. La borne suivante est posée sur la voie publique, tout comme la première. Il s'agit de la même grande route du Puy à Montbrison, tendendo de dicto ponte de boges recta via, tendant du pont de Boges en droite ligne. Avant les travaux du chemin de fer, il n'y avait ni pont ni virages sous la chapelle de Chambriat. Les murets de limite de parcelles, perpendiculaires à la trouée des rails, au dessus et en dessous d'elle, sont alignés et montrent l'ancien tracé. Tendendo ad carreriam veterem, la route tend du pont de Boges à la vieille charrière, toujours tout droit.

Tracé des routes et chemins au sud du bourg d'Usson

Retro capellam beate marie d usson,appelle plus de commentaires. La traduction première peut être « en arrière de la chapelle de Sainte Marie d'Usson » (mais non « derrière » car il n'y a pas de retro dans le texte latin). C'est l'autel ,et par là même le choeur, qui forme l'avant de la chapelle, comme d'ailleurs la scène ou l'écran dans les salles de spectacle. Le fond de l'église est, généralement, près du portail d'entrée. Mais c'est ce mot retro qui a donné reire en langue d'oc et rière en langue d'oil. L'Encyclopédie Méthodique (Jurisprudence tome VII) nous apprend que ce mot rière, en droit féodal, signifie littéralement en arrière et désigne toujours un degré d'infériorité. Nous ajoutons de dépendance. On trouve l'expression « rière-fief »pour un vassal qui tient son fief d'un seigneur qui est lui-même vassal d'un comte ou du roi. Le chanoine La Mure, ou son éditeur, rencontrant « rière sa seigneurie » note en bas de page « dans le territoire de sa seigneurie ». JB Galiffe, dans son livre Genève historique et archéologique écrit: « Le mot rière (retro) si fréquent dans les actes notariés de l'époque, ne signifiait nullement derrière ...