Une France pleine de saints Clair

Avant que nos robinets nous délivrent une eau standard, conforme à la définition de nos manuels d’école, incolore, inodore et sans saveur, hormis celle d’un résidu de désinfectant, chaque source, font ou fontaine avait sa particularité, et parfois même un nom. La meilleure qualité était liée à l’origine profonde du flux : invariable toute l’année en quantité et en température, très froide de préférence. Chaque village avait au moins une source de cette sorte, publique (puits sectional) ou privée (puits capté dans les profondeurs d’une habitation). C’était « l’eau du beurre », la plus apte à laver le beurre, en extrayant la moindre goutte de petit-lait, et, au passage, en gelant les mains de la spécialiste.

Outre ces qualités éminemment pratiques, techniques même, d’autres particularités étaient attribuées à certaines eaux. Une grand-mère allait furtivement chercher force et réconfort auprès d’une mare connue d’elle seule ; un père apprenait à ses enfants que l’eau d’un bachat voisin pouvait soigner les égratignures et calmer l’irritation des yeux. Une telle fontaine existe à Usson-en-Forez, à la Mariche, marécage qui fut transformé en décharge, manquant d’enfouir ce vieux captage appelé font saint Clair. Le bachat est posé perpendiculairement au-dessus d’un réservoir antérieur formé de dalles jointées, et le souvenir de ses vertus thérapeutiques est en voie de disparition car elles n’étaient connues que des familles riveraines.

Malgré son nom, cette source ancienne n’a pas été reconnue par l’Eglise. Aucun document attestant du saint patronage n’a encore été trouvé. En revanche, quelques investigations sur les vertus de saint Clair ont esquissé une vaste fresque, propre à susciter des dévotions locales tributaires d’une histoire fluctuante : il n’y a pas un saint Clair, dans notre ex Gaule, mais plusieurs ! Cette quantité découverte dans les martyrologes consultés semble quadriller une grande partie de la France et gouverner des réseaux locaux de fontaines miraculeuses pré-chrétiennes. Chaque saint avait son territoire, Albi, Vienne, Loudun (près de Poitiers), Nantes et un autre, dédoublé, en Normandie. En s’appuyant seulement sur la proximité géographique, ce serait le saint Clair de Vienne dont la renommée serait arrivée jusqu’à Usson. Cependant, le saint Clair honoré à La-Celle près de Bourges (Cher) est aussi celui de Vienne. Le royaume biturige étant une pièce importante de la Gaule romaine, puis chrétienne, il est étonnant que l’Eglise ait fait appel à un personnage si éloigné. Il s’agirait plutôt d’une re-christianisation tardive de cette source voisine d’une autre bénie par saint Sylvain, guérisseur des maladies de peau. Une troisième source, au même endroit, est dédiée à sainte Claire, compagne de François d’Assise, parfois utilisée pour remplacer un saint Clair plus local et plus ancien. Au niveau national, l’histoire des saints Clair est tout autant imprécise et fluctuante qu’au niveau local…

Tous les saints Clair soignent les yeux ; ils rendent la vue aux aveugles, ce qui est un gage nécessaire de leur sainteté. Certains en outre soignent les maladies de peau, comme celui d’Albi, patron d’une fontaine près de Saugues, à Esplantas, lieu de pèlerinage festif jusqu’en 1940. Saint Clair de Vienne était, en outre, depuis quand ?, le protecteur des dentellières (saint Régis a dû se retourner dans sa tombe), couturières, quincailliers, verriers et autres artisans tributaires de leur acuité visuelle. Il y eut même un saint Clair, patron des papetiers à Marsac (Puy-de-Dôme)(1).

A la répartition géographique s’ajoute ainsi la variabilité des interventions et les modifications impulsées par les dignitaires religieux au fil des siècles. Le modeste bachat d' Usson-en-Forez nous invite à faire un voyage stimulant dans l’espace et le temps, au terme duquel nous reviendrons peut-être plus connaisseurs de la dynamique de la pensée magique et des cheminements de la tradition orale, plus informés sur les politiques menées par l’Eglise catholique ...


Les étangs des seigneurs d'Usson

De nos jours, les promeneurs qui arpentent les chemins du côté des Terrasses, de Truchard, de l'Hermet ou du Trémolet, peuvent encore découvrir, près de ces villages, en observant le relief du terrain, les emplacements des quatre étangs qui existaient, à Usson, à l'époque de l'Ancien Régime. S'il en reste ainsi des traces sur le terrain, il en reste aussi des traces dans les archives ce qui permet de retrouver, au moins en partie, leur histoire. Dans cet article, une place importante sera réservée à l'étang de Truchard et ceci pour plusieurs raisons : tout d'abord, c'est le plus grand de tous, ensuite c'est le seul qui figure encore sur le cadastre de 1824, ce qui permet d'avoir son tracé exact, c'est celui qui est resté en eau le plus longtemps, et enfin, il se trouve qu'il y a plus de documents à son sujet que pour les autres.

Leur situation et leur étendue

De ces quatre étangs, deux étaient en Auvergne, les Terrasses et le Trémolet, les deux autres en Forez, Truchard et l'Hermet. Celui de Truchard se trouvait juste à la limite avec la commune de Saint-Pal, et figure sous le n°1 section C sur le plan cadastral napoléonien. Il était en bordure du chemin allant de Truchard à la Borie, au devant de la maison dite « de Marmitou ». L'étang des Terrasses, en bordure de la route Usson-Viverols, était sur la droite quand on vient d'Usson, un peu avant la route qui va au village des Terrasses. Celui de l'Hermet, situé au sud de ce village, devait sans doute occuper la parcelle n°86 section A (ancien cadastre), parcelle qui a été coupée en deux par le talus de la voie ferrée. Au Trémolet, l'emplacement de l'ancien étang se voit encore, à la sortie du village, à gauche du chemin allant à Boulaine. La superficie de l'étang de Truchard est donnée dans une vente du 25 octobre 1818 : « 18 sestérées ou, nouvelle mesure, 12 hectares 29 ares 76 centiares ». Pour celui de L'Hermet, la matrice cadastrale donne pour la parcelle « l'Etang » (section A n°86) environ 1 hectare 76 ares. En 1692, lors de sa vente, celui du Trémolet avait une étendue d'environ, 12 cartonnées, c'est-à-dire à peu près 1 hectare. Quant à l'étang des Terrasses, en 1670, il est dit être de 10 sestérées, ce qui fait presque 7 hectares. Mais les étendues de ces étangs ont sans doute varié au cours du temps. Ces étangs devaient être alimentés en eau par des ruisseaux ou des sources : celui des Terrasses, était construit sur un ruisseau venant du Besset-Haut, ceux du Trémolet et de l'Hermet sont voisins de parcelles dont le nom « la Font » évoque la présence de sources. C'est ensuite le Chandieu qui recevait les ruisseaux qui sortaient de ces étangs.

Les étangs d'Usson sous l'Ancien Régime

Leurs propriétaires

Les trois étangs de Truchard, des Terrasses et de l'Hermet sont restés, jusqu'à la Révolution, la propriété des seigneurs d'Usson successifs : la Roue, puis Pierrefort la Roue, puis Saint Martin d'Aglier marquis de Rivarol. Celui du Trémolet ne l'a été que jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Divers documents en donnent confirmation : les dénombrements de leur seigneurie donnés par les seigneurs d'Usson : Ainsi, le 29 mars 1670, le seigneur d'Usson, Balthazard Herail de Pierrefort la Roue, fournit la liste de ses possessions dans la partie auvergnate de sa seigneurie et il y mentionne : l'étang des Terrasses et l'étang du Trémolet. les anciens terriers où les étangs apparaissent en confins : C'est le cas pour l'étang de Truchard qu'on trouve nommé, de deux façons différentes, dans deux reconnaissances en latin, pour la limite sud d'un bois à Truchard, l'une de 1438 , l'autre de 1481 : dans la première le terme utilisé est « piscina domini de Rota », dans l'autre ...


Le prieuré Saint Symphorien d'Usson

3 L'époque moderne

Reprenons notre étude là où nous l'avions laissée (Carnets d'Usson n°5 Le prieuré Saint Symphorien : 2 La Renaissance). Nous étions arrivés au plan suivant correspondant au cadastre napoléonien.

Plan de l'église début XIXs   Cadastre Napoléonien au début du XIXè siècle

La Révolution était passée sur l' église d'Usson non sans péripétie mais sans trop de dommages. A l'extérieur, sur le mur de la sacristie, les armes du curé Rochette furent bûchées (photo ci-dessous), tout comme à l'intérieur, les têtes des évangélistes et des patrons de l'église sur les panneaux de la chaire. On peut penser que différents objets, comme les reliquaires, avaient été mis de côté. Les biens d'église devinrent biens nationaux et furent mis aux enchères. Le pré et la terre de l'Abbaye de La Chaise-Dieu à Grange-Neuve furent vendus. Les biens fonciers de la prébende de Sainte Agathe, route de Saint-Pal, également. Il semble que la maison curiale avec terre et jardin, ne trouva pas preneur.

Les anecdotes fourmillent mais nous ne citerons que la descente des cloches lors des réquisitions de 1791 car leur rétablissement concerne notre période. On sait que la République en guerre avait besoin de métal pour fondre des canons. La sonnerie d'Usson se composait de cinq cloches et quatre furent enlevées, une cloche était toujours laissée pour le tocsin ou autre besoin civil. Ce fut la plus grosse qui resta mais ce ne fut pas faute d'avoir essayé de la prendre. Les habitants réunis en nombre au pied du clocher adoptèrent le parti de laisser faire, sans apporter aucune aide. Les patriotes venus de Craponne avaient apporté des échelles et des cordes sur le char qui devait emporter leur butin. Cette même cloche, donnée par Balthazard Hérail de Pierrefort La Roue en 1655, a été refondue en 1837. La sonnerie complète fut rétablie, les nouvelles cloches bénies, lors de la fête de Saint Symphorien le 26 août 1851, année de jubilé.

Murs d'église